Vava et ses histoires

Des histoires sur l'amour et la vie, que je pourrais te raconter autour d'une bière.

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Par Lauréna Valette
11 sept. · 4 mn à lire
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Montréal #3 : six mois, et le temps qui passe vite, si vite

ou le troisième épisode d'un carnet de bord dédié à mon expatriation à Montréal.

Le 14 mars 2023, commençait mon expatriation à Montréal. Je me suis demandée comment partager tout ça. Je sais qu’autour de moi, certains se questionnent "comment c’est ?", d’autres ont besoin de lire qu’ils ne sont pas seuls et d’autres encore, ont envie au fond d’eux de passer le cap, mais n’osent pas. Alors, nous y voilà, je vais tenter d'éditer un carnet de bord, comme un bilan de mon expatriation au fil des mois. Un souvenir pour moi, des nouvelles pour des proches et des courtes histoires pour ceux qui voudront bien les lire.
Épisode 1 - Épisode 2

J’écris ces mots face au petit lac du parc Lafontaine. Il y a un peu moins de six mois, je m’y promenais dès mon premier samedi à Montréal. Il était gelé, la neige recouvrait le sol du parc et je souriais comme une enfant face aux écureuils qui allaient d’arbre en arbre. Nous voilà presque six mois plus tard, l’été quitte doucement la ville, les feuilles jaunisses et je constate le temps qui passe, si vite. Certaines fois, je voudrais l’arrêter, faire un arrêt sur image, pour garder cet instant, bien précieusement, qu’il dure une vie. Une vie, à ne jamais oublier. 

J’ai mis du temps avant de trouver le courage de revenir par ici, déposer mes mots. Trop de temps, du temps passer à faire la fête, à travailler beaucoup, à voyager, à vivre sans faire des introspections d’absolument tous les petits détails. "Tu intellectualises tout", m'a annoncé mon père un soir d’été, l’an dernier. Ces temps-ci, j’ai arrêté de tout intellectualiser, et j’ai juste vécu. Pourtant, j’avais envie de revenir ici. J’avais envie d’écrire pour moi et non pour mes clients. D’écrire pour partager ce quotidien un peu loufoque, quelques fois trop, certaines fois pas compréhensibles pour mes proches. Partager des mots auxquels certaines personnes pourront se raccrocher, se reconnaître, se dire "oh, mais moi aussi", parce que c’est ça que j’aime le plus avec l’écriture. À travers les mots, on n’est jamais seul. On vit tous, quelque part, quelques fois, la même chose. Ces sentiments, ces émotions, ces peurs, ces craintes, ces envies, ces rêves, on les partage forcément avec une petite âme quelque part. Et c’est rassurant ! 

Aujourd’hui, je tape sur l’écran de mon téléphone, assise dans le parc et j’ai l’impression d’arriver en retard à ma propre soirée. On ne m’attend plus vraiment, et pourtant, je veux glisser dans les boîtes mail dans ma plus belle robe à paillettes et crier "je suis là, ne m’oubliez pas". Je n’étais pas si loin. 

Voilà six mois que je suis arrivée au Canada, six mois qui sont peut-être passés en cinq minutes tellement la vie a été prenante. J’ai vécu dans trois appartements différents, mais j’ai trouvé ma place. J’ai aménagé dans une petite maison si agréable. Je me souviens du jour où j’ai visité cette colocation. À la seconde où j’ai franchi la porte, où j’ai marché dans le couloir, je savais que je voulais vivre ici. Je l’ai senti, c’était chez moi, ça allait être chez moi, je ne voulais pas vivre ailleurs. J’ai eu l’appartement, et à quatre, on s’est construit le nid le plus agréable qui soit. Des "bonne nuit chaton", aux soirées films, en passant par les bières bues sur la terrasse à la lumière de la guirlande lumineuse. Des éclats de rire, l’odeur des pancakes, de la musique. C’est la maison que j’aurais pu imaginer, mais que j’avais peur de ne jamais trouver. À 6 000 km de chez moi, je me suis trouvée un chez-moi

La ville est belle. C’est drôle à quel point on a pu me le répéter, j’ai entendu maintes fois à quel point Montréal est incroyable, pourtant, je n’y croyais pas. C’est au fil des mois, en voyant les saisons passer, les mois défiler, que j’ai réalisé, qu’ils avaient tous raisons, on est bien ici. Je crois que ce qui me plaît le plus, c’est qu’on a tous notre place dans cette ville. On peut y déployer ses ailes, et faire ce que l’on a envie, être qui on a envie. Il y a de l’espace pour tout le monde. 

Il y a tant d’espace et il y a tant à faire. C’est étrange de se déraciner, de quitter son chez-soi, pour en découvrir un autre. Et puis finalement, un matin, tu finis par te sentir comme à la maison. Je crois qu’encore une fois, les habitudes y sont pour beaucoup. Avoir son café où aller travailler – et faire les beaux yeux au barista, ça aide – le parc dans lequel courir, les rues à emprunter quasi quotidiennement, les bars où retrouver les amis… c’est peut-être ça, une bonne expatriation, finir par se sentir chez soi.

Six mois, c’est peu et tellement. C’est un quart de mon visa, c’est l’occasion de faire beaucoup la fête, beaucoup de sport, de voyager au Québec, en Ontario, aux États-Unis et au Costa Rica – n’oublions pas que je suis là pour ça après tout. C’est danser sous les étoiles du Piknic en plein été, chanter faux au karaoké, perdre l’équilibre sur des chaises de bar, traverser le Mont Royal comme s’il s’agissait d’un catwalk, faire du bixi et se dire "tu te rends compte !!! On fait du vélo un mardi soir en pleine nuit à Montréal pour aller boire des bières dans un parc et genre c’est normal, c’est notre vie, c’est pas les vacances, ça y ressemble, mais c’est la vraie vie". C’est remplir ses semaines de jolis moments, vouloir tout voir tout le temps, perdre la notion du temps autant qu’on prend le soleil à chaque fois qu'il point le bout de son nez. Et être reconnaissante, de s’offrir cette vie. 

C’est retrouver les amis aussi, ceux qui sont venus passer quelques jours et apprendre à dire au revoir sans vraiment savoir quand on se reverra. Sentir son cœur se serrer à l’aéroport quand on s’enlace une dernière fois, voir quelques larmes couler sur les joues, et se demander si ça vaut vraiment le coup. Si vivre aussi loin de ceux qu’on aime, ça vaut vraiment la peine.

Et puis, c’est recevoir un message de sa coloc, c’est trouver du caramel au beurre salé qui sort du feu quand tu rentres de soirée, c’est partir dans une liste d’idées toujours plus folles pour faire de notre maison the place to be, et se souvenir que l’aventure c’est aussi ça : vivre fort, vivre intensément, certaines fois déraisonnablement, mais vivre, à fond, pour soi, pour se souvenir, pour profiter. Et qu’est-ce que ça fait du bien. 

J’ai fêté mes trois mois à Montréal au Costa Rica, rien à voir donc, mais j’avais besoin de plage (oui chez moi la mer est un besoin). Alors que je marchais le long de la route de terre de Santa Teresa, sous un soleil de plomb, pour revenir de mon cours de yoga, j’ai réalisé que j’étais là. J’étais là où je voulais être, sans aucun regret, sans autre envie, sans autre besoin. C’est assez mystique comme instant. Voilà trois mois que je pensais à Paris avec une boule de nostalgie, certains soirs, je me voyais traverser la ville sur ma bicyclette, je repensais avec émotion à mon petit appartement, je me voyais en terrasse en plein hiver boire des bières avec mes amies. Je repensais à ceux que j'avais laissés derrière, à cette vie de journaliste dans un média qui va d’événements en événements, qui reçoit des cadeaux en pagaille. Je revoyais ce métro-boulot-dodo, en me demandant si on pouvait réellement le quitter, ou s’il finissait par nous rattraper. Et à ce moment-là, les cheveux en pagaille, sur cette route, les vagues à quelques mètres, qui se faisaient entendre, j’ai réalisé que tout était en ordre. Tout cela avait du sens, tout cela avait une raison, et je ne voulais en rien changer le cap de mon navire. J’avais pris la bonne décision. 

C’est rassurant, d’avoir ce sentiment qui survient. De prendre conscience que quoi qu’il arrive, peu importe que les éléments soient positifs ou qu’ils blessent un petit peu, tout ce chemin, tous ces choix, ces sacrifices, ces doutes, ces mois passés à sentir ce cœur palpiter, tout ceci, c’est arrivé pour une raison, une seule et même raison : parce qu’aujourd’hui, je suis à ma place. Je suis là où j’ai toujours voulu être : ailleurs. Je suis entourée d’amour, un amour qui semble fou quand on pense qu’il y a à peine quelques mois, je ne connaissais pas ces personnes. Et je peux faire ce que j’aime par-dessus tout : découvrir. Le monde, les autres et toujours, moi-même. 

Six mois et le temps qui passe vite, si vite. Mais je crois, que c’est inévitable quand on aime l’instant que l’on est en train de vivre. Je crois que je dois accepter, que les belles choses fusent, se vivent à 200 %, qu’elles font de beaux souvenirs, à se remémorer au bord du lac en écoutant Taylor Swift, avant d’en vivre d’autres. Parce que je ne suis pas près de m’arrêter. Alors, je suis prête à parier, que les prochains mois aussi passeront vite, rythmés par les rires des copains, les appels des proches, les saisons qui défilent (avec une météo improbable) et le sentiment d’une vie bien remplie – qui rend très heureuse.

Je vous laisse, mes colocs m’attendent pour boire du vin et manger des gnocchis devant un film. 

Bisous,
Lauréna


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