Vava et ses histoires

Des histoires sur l'amour et la vie, que je pourrais te raconter autour d'une bière.

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Par Lauréna Valette
22 févr. · 6 mn à lire
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Vous avez un nouveau message

ou les mots qu'il faut apprendre à prononcer, pour ne plus seulement les écrire.

J'ai longtemps envoyé des déclarations d'amour par message. 

Je me souviens de cette fois où je devais avoir 15 ans. C'était la fin de l'année scolaire de Seconde, je passais les vacances en Espagne à Salou, avec mon cousin et ma tante. C'étaient mes premières vacances sans mes parents. Deux mois plus tard, je rentrai en Première. C'est la période où tu testes tes limites, où tu découvres ton pouvoir de séduction

Mon année de Seconde avait pris fin, et j'avais dû dire au revoir à un garçon de Terminale pour qui j'avais un énorme béguin. Nous échangions beaucoup de messages depuis plusieurs mois et selon les critères de la jeune Vava, j'étais "amoureuse de lui". Bien loin d'avoir déjà vécu l'amour comme on l'entend aujourd'hui, dès qu​​e mon cœur battait pour un adolescent, que des papillons venaient s'engouffrer à l'intérieur de moi et que son doux visage d'homme prépubère, hantait mes nuits, je me croyais amoureuse

Dès le collège, j'ai pris cette habitude de dévoiler mes sentiments. Hors de question d'aimer en silence pendant des mois et des mois. Je finissais toujours par écrire de ma plus belle plume – aka mes plus beaux textos et souvenons-nous, à l'époque ils étaient limités à 30 par mois – des phrases qui voulaient dire "je pense à toi tout le temps, je t'aime, est-ce que tu veux sortir avec moi" (certainement rédigé de la sorte "T trow bow, tve sortir avec mwa ?"). 

Je me souviens très bien de cette fois-là en Espagne. Je savais que je n'allais jamais revoir ce Terminale, alors à quoi bon garder pour moi mes émotions d'adolescente ? Avec mon cousin et des amis, nous étions à l'arrière du bus en direction de la fête, et j'ai tapé sur mon téléphone un SMS dans lequel j'avouais être amoureuse de ce garçon. Je savais que c'était impossible puisqu'il quittait le lycée (et accessoirement, qu'il était en couple depuis plusieurs mois…), mais je voulais qu'il le sache. Ne prétendez pas être surpris, si vous lisez ces lignes de manière assidue, vous vous doutez bien qu'il ne sait pas passer un scénario digne de Love Actually ou de Bridget Jones. Bien-sûr que ce n’était pas réciproque ! Je ne sais plus ce qu’il a écrit, hormis qu’il n’était pas intéressé par moi de la sorte. Peut-être qu'il a ajouté que c'était gentil ou mignon. Une fois mes émotions recrachées, son refus n’était pas grave, puisque j'étais une heure plus tard dans un bar de Salou à danser avec des étrangers (et à leur rouler des pelles aussi, avouons-le) et j'avais vite oublié cette déclaration d'amour intempestive (on ne va pas rester sur un échec tout de même). 

Ce n'était pas la première fois que je me prêtais à cet exercice. Ce n'était pas non plus la dernière. J'ai toujours écrit mes sentiments

Il y a cet appareil que l'on a entre les mains chaque jour, avec lequel on peut communiquer. Allez savoir pourquoi, c'est plus fort que moi. Ou du moins, c'était plus fort que moi. 

Est-ce égoïste de ma part de balancer à quelqu'un qui n'a sans doute rien demandé, l'intégralité de mes sentiments et de le laisser gérer avec cela ? Je ne sais pas. Quelques fois, j'arrivais à tempérer mes hardeurs. Je me souviens de celui dont j'étais folle amoureuse à 14 ans. C'est ma première relation pas-très-saine avec un garçon, à base de "fuis-moi je te fuis", "je t'aime MAIS on ne peut pas être ensemble" et autres répliques dignes des plus grands dramaturges. Après un an de va-et-vient émotionnel entre nous, de période sans aucune communication et d'autres, remplies d'heures passées au téléphone, de soirées à discuter sur MSN et autres niaiseries de collégiens, ce fut la goutte de trop. Il déménageait et nos au revoir se sont fait au milieu de tout un tas de filles, qui étaient, elles aussi, amoureuses de ce skateur à la mèche rebelle. Miséricorde, Vava, tu es comme les autres. C'était l'été (encore une fois), je lui ai écrit une lettre. Je voulais être autrice, je voulais marquer le coup, je voulais qu'il me réponde en criant "je t'aimerais toute ma vie", alors j'ai raconté mes peines, mes émotions, mes sentiments, sur une feuille de papier. J'ai ajouté le timbre, et j'ai trimballé cette lettre dans mon sac, au cœur de l'été, pour finalement, ne jamais l'envoyer

Tous les mots que l'on a sur le cœur n'ont pas besoin d'être dits. Toutes les histoires n'ont peut-être pas besoin du mot de la fin. 

Les messages, je ne sais pas d'où ça me vient. Pourtant, cela me définit. Une amie m'a dit "mais tu es messages, tu ne peux pas aller à l'encontre de ça, ça fait partie de toi". Quand on me racontait "moi, je n'envoie pas trop de messages, je n'aime pas ça", j'avais toujours des sueurs froides. Parce que d'une certaine manière, oui, cela fait partie de moi. Toutefois, je n'en veux plus, de cette part de moi

Il y a un an et demi de ça, j'ai fréquenté quelqu'un pendant six mois qui m'a écrit du matin au soir. Pendant six mois. Du moment où on a bu ce premier verre, jusqu'au jour où j'ai mis un terme à notre relation, il ne s'est pas passé un jour sans que l'on s'échange des mots. Je suis partie en voyage seule à l'autre bout du monde et pourtant, malgré un décalage horaire important, on continuait de s'écrire. Il s'agissait là d'un bonjour au réveil, de mots envoyés tout au long de la journée, de photos qui font penser à l'autre, d'une anecdote et toujours d'un "bonne nuit" avant de rejoindre Morphée. Je pense qu'il ne s'est pas passé plus de 10h sans que l'on s'écrive au cours de ces six mois. Différentes raisons expliquent cela : le contexte faisait que l'on ne se voyait pas autant qu'on l'aurait voulu, et mon départ pour Montréal avait annoncé la date d'expiration de cet amour, avant même qu'il ne démarre – donc il y a ce côté amour tortueux-passion dont on échappe difficilement. Je n'avais alors aucune idée, de l'impact de cette relation épistolaire et de la place que pouvait prendre ces SMS envoyés, dans ma vie. 

Jusqu'à ce que ça s'arrête. 

Il y a quelque chose de rassurant dans le fait d'être en contact permanent avec un autre être humain. Comme si, finalement, on n'était jamais seul. Pourtant, c'est acté, il suffit de jeter un œil aux personnes qui nous entourent, qui gravitent autour de notre quotidien, pour en avoir la certitude. Cependant, écrire des lignes sur WhatsApp, quelque part, ça a toujours été une façon de m'ancrer dans le réel. Et peut-être aussi, d'être validé par mes pairs. 

Parce que quand une personne que tu apprécies prend le temps de te répondre, finalement, c'est comme si elle te soufflait qu'elle a envie de te parler, que tu sois dans sa vie. Sauf que non. C'est complètement faux. 

Ça, c'est quelque chose que j'ai fini par comprendre après cet échange de six mois. Écrire des mots, ce n'est vraisemblablement pas comparable aux gestes. Prenons cette relation : je me suis accrochée aux paroles d'un homme, à cette affection délivrée par cellulaires interposés du matin au soir, mais les gestes, aussi beaux qu'ils aient été, étaient moindres en comparaison. Mes meilleures amies n'ont pas besoin de me répéter chaque jour qu'elles m'aiment et qu'elles ont envie de me voir, pour que j'aie conscience de cet amour entre nous. Alors pourquoi ce serait différents avec les hommes ?

Si j'ai arrêté la thérapie il y a quelques années maintenant, je continue de m'intéresser à ces comportements étonnants (comprendre ici : pas toujours très sains), qui peuvent se jouer dans mes relations. Pour cela, je suis tombée à pieds joints dans… les coachs TikTok ! Oui, cette newsletter prend un tournant étonnant, je suis bien d'accord. Pourtant, les coachs en amour/relation et autres (charlatans-ou-presque) de TikTok, m'ont éclairé sur mon rapport aux messages. J'ai donc découvert que le problème ce n'était pas moi (quelques fois si, mais c'est une histoire pour plus tard), que j'étais simplement… droguée. Enfin presque.

Cela se joue essentiellement au début des relations (de ce fait 98 % de mes relations). Lorsque l'on reçoit un SMS de son crush, cela vient déclencher un flot d'endorphines. Parmi ces bonnes copines, on trouve notamment la dopamine (la même que pendant un orgasme) et l'ocytocine. Une réaction neurochimique donc, qui rend : heureux, confiant, optimiste et qui fait un peu percher les cœurs d'artichaut. Mais tu vas me dire "Et alors Vava, il est où le problème, c'est génial les hormones du bonheur". Sauf qu'on s'y habitue. 

Ma coach TikTok explique dans une vidéo comment le texting au début d'une relation peut créer de l'anxiété. Le corps est rempli d'hormones de bien-être lors de l'échange des messages, on se sent bien, validé et puis pour toutes les raisons de la vie qui font qu'une personne ne répond pas (travailler, être occupé, ne pas avoir la tête à échanger par SMS, le manque de temps, que sais-je), le cerveau est en manque de ses neurotransmetteurs préférés. Surviens alors l'anxiété et toutes les peurs (sur lesquelles on a, oui ou non, travaillé) qui l'accompagnent : la peur de l'abandon, de ne pas être assez bien, de ne pas être aimé. C'est à ce moment-là que moi, j'ai l'impression de devenir un peu zinzin (le suis-je ?). Bienvenue dans le club, ami drogué à la dopamine. 

J'étais donc ravie d'apprendre que ce comportement que je me trimballe depuis de nombreuses années est en réalité a) toxique et b) une drogue. Compte tenu du fait que mon objectif de vie est d'être bien dans mes baskets et dans mes relations, s'en est venu un processus pour le moins délicat, d'apprendre à se détacher de cette obsession pour les messages et accessoirement, pour les déclarations – qu'elles soient passionnelles ou incendiaires (une autre de mes spécialités). 

Tout d'abord, parce que je dois admettre que rares sont les personnes qui ont volontairement envie de lire quinze lignes sur mes (re)sentiments. Il serait peut-être préférable de garder ces mots pour un jour les mettre dans un livre et gagner des droits d'auteur plutôt qu'écrire des grandes phrases sans être payé, à des hommes qui n'en ont sincèrement rien à cirer. 

Oui, autre révélation – et même si l'échantillon de ce sondage est trop réduit pour en faire une généralité, j'ai la désagréable sensation, que ce comportement est essentiellement féminin. J'ai beau me plonger dans ma mémoire et ma longue liste d'histoires avortées, je n'ai pas le souvenir d'avoir un jour reçu une grande déclaration d'amour. Mon ex peut-être, quand il essayait de me récupérer (bien joué à lui puisque ça a fonctionné), mais étaient-ce des mots pour panser mes plaies ou le besoin vital de jeter ses sentiments au visage de quelqu'un pour ensuite pouvoir passer à autre chose ? Non, dans mes messages reçus, je n'ai pas de grandes envolées lyriques. Là-dessus, je devrais sûrement m'inspirer d'eux. 

Dorénavant, j'arrête (ou j'essaie). Pourtant, ce n'est pas l'envie qui me manque. C'est désagréable, d'avoir pris l'habitude de dire absolument tout ce qui nous traverse l'esprit à quelqu'un, par messages et de ne plus s'autoriser à le faire. Quelques fois, j'écris dans ma tête ce que j'aimerais envoyer à mes crushs. J'ai de nombreuses notes qui débutent par "ce que j'aimerais lui écrire" et je déverse un flot de mots, qui ne seront jamais envoyés. J'y écris comment je me suis sentie trahie en apprenant, une année après l'histoire, son infidélité. Comment ce genre d'information peut complètement défigurer une relation qui se voulait belle et qui aujourd'hui, n'est plus qu'un souvenir moyen que l'on regarde avec des yeux teintés de peine. Je m'excuse aussi dans cette note, de mes comportements quelques fois impulsifs, j'essaie de les justifier par des expériences passées. Et puis, je ne les envoie pas ces mots. Une fois qu'ils sont griffonnés, peut-être que cela fonctionne aussi, peut-être que je n'ai pas besoin de les adresser, pour me sentir apaisée. 

L'idéal, ce serait de réussir à les verbaliser. Je ne sais pas si c'est parce que j'ai toujours écrit. Toute ma vie, c'est ma passion, mon moyen d'expression, mon travail, mon quotidien, mon passé, mon présent et mon futur. Par définitive, est-ce que j'ai un jour fait le choix d'être une fille des mots et non de la voix ? Je ne suis pas à l'aise quand il est question de montrer sa vulnérabilité, d'entendre mes sentiments, énoncés à haute voix. Pourtant, toujours dans cette optique de vivre des relations saines (géniale comme résolution), je crois qu'elle est là, la suite de mon histoire. 

Ne plus écrire mes sentiments. Ne plus attendre un SMS, dépendre des endorphines fournies par mon téléphone. Mais oser, dire les choses à haute voix. Oser dire "j'ai envie de te revoir", "je te trouve chouette", "je suis à la recherche de ça" ou au contraire "ce que tu as fait là m'a blessé, viens on en parle"

Pour commencer, j'ai stoppé le texting à répétition avec chaque partenaire potentiel. Maintenant, il ne me reste plus qu'à accepter que j'ai une voix et que j'aurai bien raison de l'utiliser. 

Bisous,
Lauréna


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