Vava et ses histoires

Des histoires sur l'amour et la vie, que je pourrais te raconter autour d'une bière.

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Par Lauréna Valette
2 avr. · 5 mn à lire
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Je suis une personne à amour et c’est ok

ou quand j'essaie de faire la paix avec mon cœur brisé.

J’ai souvent eu le cœur brisé dans ma vie. Il faut dire que je suis un véritable cœur d’artichaut, je me suis régulièrement amourachée en sachant très bien que ça ne mènerait à rien. Pendant de longues années, au collège-lycée, j’étais adepte de l’amour à sens unique. Je pensais dur comme fer, que je finirais par rencontrer mon prince charmant. Je l’imaginais arriver sur son cheval blanc, me sauver de mon quotidien, et m’aimer comme on aime dans les films : à la folie, jusqu’à la mort, comme si la vie en dépendait. Avec passion, ardeur, fidélité. Je voulais tout le toutim, les enfants, la maison, la bague au doigt. Le prince charmant qui transforme Cendrillon en princesse. C’est la faute aux Disney, aux comédies romantiques, à cette société dans laquelle j’ai grandi, qui nous montre des femmes accomplies seulement lorsqu’elles ont trouvé un homme grand, beau et fort avec lequel faire des enfants. Quel soulagement, ce fut, le jour où j’ai accepté qu’il n’y aurait aucun prince charmant et que je n’avais pas besoin d’être sauvé. Au mieux, il y aurait des crapauds à embrasser en festival, des hommes qui te ghostent après deux dates Tinder, des rencontres aux mauvais moments qui te laissent un goût amer, des rendez-vous manqués, des passions d’une nuit, de quelques jours, des bons amis, des amants, et peut-être, peut-être au milieu de tout ça, quelqu’un de sympa avec qui faire un bout de chemin. 

Avant de comprendre ça, de l’assimiler et de l’accepter, j’ai aimé. Un peu, beaucoup, passionnément, aveuglément, sans réelle raison. Les garçons qui répondaient à mes sourires, ceux qui m’écrivaient, ceux qui me prenaient la main, ceux que j’ai fréquentés. L’amour ici n’était jamais le même. Je ne pense pas que l’on puisse aimer plusieurs fois de la même façon, chaque sentiment est unique, comme la personne en face de nous. Pareillement, je ne pense pas que l’amour se limite à : toi je t’aime, je veux faire ma vie avec toi. Non, je pense que tu peux aimer un peu, tu peux aimer quelques mois, tu peux aimer un ami, un plan cul, une histoire sans avenir. Être amoureux et aimer sont pour moi deux actions différentes. Mais il existe autant de personnes à cœur que de manières de ressentir tout ça. 

À 15 ans, j’aimais le garçon le plus populaire de la ville dans laquelle vit ma mère. Il avait une énorme mèche, il faisait du skateboard et il me prêtait son sweat-shirt bleu American Apparel. Il était beau. Très beau et toutes les filles des villages environnants, étaient soit amoureuses de lui, soit sorties avec lui. Évidement que j’étais sous son charme. Nous sommes très vite devenus amis, la fausse amitié de 15 ans, quand tu t’appelles tout le temps, que tu t’écris du matin au soir et que tu publies sur le mur Facebook de l'autre des "je t’aime". Est-ce que ce sont les mêmes "je t’aime" que tu n’oses pas prononcer dix ans plus tard ? Ont-ils la même valeur, la même saveur ? Certainement pas, mais à l’intérieur, la chaleur s’invite toujours dans le ventre. Les sentiments n’ont pas d’âge, leur intensité varie au fil des rencontres, mais le cœur ne cesse de tambouriner

Je l’ai aimé très fort, et il m’a brisé le cœur très fort. Comme à 15 ans. Comme quand le garçon que tu aimes déménage dans un nouveau département et que le dernier moment que tu passes avec lui, le dernier jour où tu le vois, où dans ta tête tout un scénario est en place, tu déchantes totalement. Il n’y avait pas de musique mélancolique, de baiser sous la pluie, de "je t’aimerai toute ma vie", de larmes versées. Non, ce mercredi-là, il m’a amené chez une copine à lui, où il y avait dix autres filles, comme moi, qui l’aimaient. Ironique de repenser à cette fois où toutes les midinettes du coin étaient regroupées pour dire au revoir au garçon populaire. Plusieurs mois passeront avant qu’il me souffle qu’il aurait voulu que je l’embrasse, qu’on vive une histoire. Je ne saurais jamais si c’était vrai, je ne m’y intéresse guère. Mais je me souviens lui avoir écrit une lettre, comme pour expier tous mes sentiments. Lettre qui n’a jamais été postée.

Je crois que dans les histoires d’amour, que ce soit un amour fou, doux, éphémère, tous les mots n’ont pas besoin d’être exprimé. Je préfère les mettre dans une boîte, les publier sur Internet et finalement, fuir la possibilité que la personne en face, me réponde que ce n’était pas réciproque. Je préfère vivre l’amour dans ma tête, garder un souvenir qu’il a existé, pour deux, plutôt que de devoir accepter l’idée d’un amour à sens unique qui continue d’alimenter mes histoires. 

À un mois de mes 18 ans, j’ai vécu mon premier-vrai chagrin d’amour. Le fameux. Celui dont on parle la voix tremblante, celui qui fait peur. Quand j’y pense, mes traits se tirent. J’ai passé des semaines à pleurer, je ne mangeais plus rien, mes parents ne m’avaient jamais vu aussi désespéré. Je me souviens de mon cœur vide. Littéralement, un creux au milieu de la poitrine et le sentiment que je ne m’en remettrai jamais. J’ai tellement pleuré ce mois de novembre, qu’un soir, je me suis mise à genoux dans ma chambre universitaire, j’ai posé mes genoux au sol, et j’ai imploré un dieu auquel je ne crois pas, de calmer ma peine. J’ai dû dire quelque chose comme : "stp Dieu, aide-moi, si demain, je n’ai plus mal, si tu enlèves ma douleur et ma tristesse, je deviendrai croyante, après tout, j'ai fait ma première communion". C’était la première fois (et jusqu’à présent l’unique) où j’ai ressenti un vide, triste à en mourir, perdre tout espoir. Un putain de chagrin d’amour qui te met au sol. Quand j’y repense, mon cœur s’accélère. Presque dix ans plus tard, je sens encore les cicatrices de cet événement dans ma poitrine.

J’aimerais aller prendre celle que j’étais dans mes bras et lui dire que tout ira bien. On se remet de tout. Ça prend du temps de soigner un cœur, ça demande beaucoup d’énergie de sortir quelqu’un de sa tête, d’enlever les images des sourires, la sensation des doigts le long de la nuque, mais on s’en remet. 

Depuis, chaque fois que mon cœur se casse la gueule, je revisite ces fois-là. Le garçon le plus populaire de la ville, ma déception, ceux auxquels je me suis attachée en vain, celui qui m’a brisé le cœur comme ça n’arrive qu’une fois dans la vie. 

Récemment, j'ai fait la maligne. J’ai cru que je pouvais fréquenter quelqu’un tout en restant détaché. Ok c’est faux. Je le savais très bien, on se connaît au fil du temps, on sait comment on réagit. Je me suis simplement dit que la possibilité de vivre une histoire sympa, mignonne, qui fait des souvenirs, primée sur le fait de voir mon cœur s’écraser au sol encore une fois. Ça n’a pas manqué. Je l’ai ramassé sur le bord de la route, ok il est tombé à vélo, il ne s’est pas pris un semi remorque, mais malgré tout, il lui faut un peu de temps. 

Judith Duportail a réalisé un podcast qui se nomme "Les ex de François". J’ai adoré l’écouter, elle rencontre les ex de son ami François, pour comprendre ce qu'il s’est passé dans leurs histoires, pourquoi celles-ci se sont terminées. Elle explique dans un épisode :

Chaque fois que nous perdons quelqu’un, nous revivons toutes nos pertes.

Cette fois, je n’ai pas pleuré à genoux dans ma chambre universitaire. Je n’ai pas écrit une lettre que je n’enverrai jamais. Non, cette fois, je m’y attendais, j’étais préparée, j’étais partie en sachant très bien que je ne courrais pas un marathon, mais bien un 10 km. Court, intense, à toi de voir si tu veux le faire à fond et y mettre ton cœur, ou le courir tranquillement, en ne t’accrochant pas trop. Je n'ai peut-être pas fait le meilleur choix au début de la course. Ce n'était pas le choix le plus raisonnable, mais à quoi bon vivre, si ce n’est pas pour conserver de belles images, au risque de les associer à quelques peines ? 

Dans le podcast, Judith ajoute cette phrase :

Je crois qu’un ou une ex, c'est une personne qui continue à vivre avec nous, même si elle est absente du présent, qu’on amène partout où on va.

Je ne sais pas trop si j’embarque mes anciens amours dans mes valises comme je le fais avec mes souvenirs. Ils font partie d’une boîte que j'ai soigneusement fermée et glissée sous mon lit. Toutefois, ils leur arrivent de faire des apparitions. Ils prennent le visage d’un inconnu dans la rue et m’enlèvent les mots de la bouche, ils sont une enseigne de restaurant, un plat, une mèche de cheveux, un dessin ici ou là, des mots échangés. S’ils vivent en moi, j’essaie de ne conserver que les belles images d’eux, même si ce n’est pas toujours évident. Surtout, je repense à celle que j’étais quand je les ai aimés. À ce que j’ai ressenti, si c’était réel ou si c’était l’envie.

Un jour, ma psy m’a confié "vous avez soif d’amour", ça m'a agacé, j'ai eu la sensation qu'elle me comparait à une chanson de Jacques Brel. Mais elle a raison. J’ai appris à mes dépens, que oui, j'aime, je mets de l’amour sur les gens, je donne de l’amour, pas toujours là où il faudrait. Mais je crois que c’est ok, je suis ok avec l’idée d’être une personne à amour et d’aimer ça.

Car si je l’étais un peu moins, est-ce que j’aurais toujours des histoires à raconter ? 

À tous les cœurs brisés, les cœurs écrasés, les cœurs cabossés, passez du baume sur vos fêlures et vos cicatrices, l’hiver se termine pour laisser place au printemps, à l’intérieur aussi, les peines finissent par se dissiper, pour que la joie puisse jaillir de nouveau. Il faut simplement accepter, qu’il n’y a pas un nombre de jours définit : cela demande du temps.

Bisous,
Lauréna

Si tu veux écouter le podcast de Judith Duportail dont je parle, c’est sur Spotify !


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