Vava et ses histoires

Des histoires sur l'amour et la vie, que je pourrais te raconter autour d'une bière.

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Par Lauréna Valette
30 oct. · 6 mn à lire
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Les fantômes n’attendent pas Halloween pour sortir

Si toi aussi, tu as déjà été ghosté, tape dans tes mains.

Le premier mec que j’ai fréquenté après ma longue relation de six ans, m’a ghosté

Enfin, je pense que si on lui posait la question, il dirait qu’il ne s’agissait pas d’un ghosting. On avait planifié de se voir, il m’a dit “je te tiens au courant”, et évidemment, il ne l'a pas fait. Quand quelques heures avant de se retrouver, je lui ai dit “hé ! Ça tient toujours ?”, il s’est défilé, trouvant une excuse qui n’en était pas une et ne m’a jamais réécrit. Jamais. Pourtant, il n'a pas disparu, il ne lui est rien arrivé. Il a continué son chemin, il n'a pas cessé de regarder mes stories. De temps à autre, il aimait même certaines de mes photos. On s'est fréquenté, on s'est écrit régulièrement, et puis un jour, sans raison, ça s'est terminé. Il n'a pas disparu à proprement parler, mais il ne m'a jamais tenu au courant. Il n'a jamais écrit, dit, expliqué, qu'il ne voulait pas que l'on se revoie. Il n’a jamais mentionné le fait que c’était cool, mais qu'en réalité, il préférait en rester là. Qu’il n’avait pas le temps en ce moment. Qu’il avait rencontré quelqu’un d’autre. Ou que sais-je. 

C’est cette histoire-là qui m’a fait comprendre que j’avais besoin d'être épaulé. J’avais besoin qu’on m’écoute, qu’on m’explique par a + b comment ce n’était pas de ma faute, que je méritais l’amour, que j’avais vécu des expériences qui font celle que je suis aujourd’hui, et surtout : que c’est ok d’être un peu cassé - ça se répare un bol brisé, que c’est ok d’aimer l’amour, et un jour, de vouloir vivre une belle histoire. 

J’aimerais dire qu’après quelques mois de thérapie, quelques années qui filent, ce n’est plus arrivé. Sauf que les fantômes n'attendent pas Halloween pour sortir, ils sont bel et bien présents toute l’année. 

Cet été, alors que je marchais tranquillement dans les rues de Montréal avec ma coloc, j’ai reçu un message sur Instagram d’un ancien date Tinder. On s’était vu deux fois, le courant était bien passé et on devait se revoir après les vacances. Du moins, c’est ce que je pensais. Il a commencé par mettre de plus en plus de temps pour me répondre, avant de ne plus le faire et de me laisser en “vu”. Pourtant, j’étais sûre que l'histoire allait continuer. Rien ne laissait penser le contraire. Le dernier date s’était bien passé. Je me souviens avoir écrit à ma meilleure amie pour lui demander ce que j’avais bien pu faire

Les Américains adorent inventer de nouveaux termes pour décrire les relations amoureuses. Si avec le ghosting, il s’agit de disparaître totalement de la vie de l’autre sans laisser de traces – mes fantômes à moi adorent faire des marques sur les murs de mon petit cœur – avec l’orbiting, ils ont mis le mot sur ce phénomène si présent ces dernières années : ghoster, mais pas totalement, rester dans les parages et faire quelques apparitions. En regardant les stories sur Instagram ou en aimant les publications, c’est une façon de conserver un pied dans la vie de l’autre, sans pour autant avoir répondu à son dernier message ou vouloir le revoir. 

Ce garçon-là, qui m’a écrit durant l’été, s’est excusé. Je n’ai pas tellement su comment réagir. C’est de l’histoire ancienne. Évidemment, que son manque de réponse et le fait de ne pas l’avoir revu m’avaient blessé. Je m'étais sentie bête. Bête d’avoir laissé mon esprit fantasmer sur quelque chose de sympa, là où ce n’était simplement que l’histoire d’une femme qui rencontre un homme sur Tinder, qui partage un repas, quelques cocktails et deux nuits dans un lit. Quand j’ai lu son message, j’ai trouvé ça agréable, de voir sur mon écran, que ce n'était pas moi le problème. Pourtant, je devrais avoir la capacité de le savoir et de ne pas avoir besoin de l’approbation d’un homme, pour accepter que oui : je n’y suis pour rien. Si un homme disparaît, me ghoste, continue assidûment de regarder ma vie chaque jour en story Instagram, je n’y suis pour rien. 

Son message, finalement, m’a fait sourire. Je me suis dit que ce serait une bonne chose à laquelle se raccrocher, la prochaine fois que cela arrivera. Et puisque les fantômes n'ont aucunement besoin d’attendre le 31 octobre pour errer dans ma vie, c'est arrivé plus tôt que prévu.

Il y a quelques mois, je faisais la rencontre d'un nouvel énergumène qui allait me donner des histoires à raconter à mes amis. Je lui ai expressément demandé de ne pas me ghoster. C’est peut-être un peu étrange écrit comme ça. Rassure-toi, je ne me suis pas présentée en annonçant : Lauréna, 27 ans, journaliste indépendante, a quitté Paris pour Montréal et surtout, ne me ghoste pas s’il te plait. 

En réalité, on parlait sentiments, émotions et dans la conversation, c'est venu naturellement. Je n'ai pas eu à prendre un microphone pour lui informer “sois honnête sur tes envies s'il te plaît, ne laisse pas bébé dans un coin”. Je l'ai mentionné, comme un clin d'œil. Après tout, pourquoi ne pas se livrer à l'autre avec des modalités d'emploi

Je suis certaine que dans son esprit, ce n'était pas du ghosting. Je n'ai pas été bloqué, il n'a pas disparu sans laisser de traces. Mais dans les faits, le sentiment que cela laisse, est-il bien différent ? 

Here we go again, c'est l'heure de la remise en question. Après tout, comment ne pas le faire quand tu te retrouves laissé sur le bas-côté après avoir donné de ton temps à quelqu'un, qui affirmait qu'il avait envie de passer ce temps avec toi, maintenant et plus tard ?  

Est-ce que c’est moi le problème ? Mon temps vaut-il si peu pour que l'on préfère mettre 20 h avant de répondre à mon message, plutôt que d'être honnête ? Est-ce que je ne suis “pas assez” ? Pas assez drôle, pas assez belle, pas assez intéressant ? Suis-je “trop” ? Trop présente sur les réseaux sociaux, trop ouverte sur mes blessures du passé, trop excentrique, trop collante ? 

Dans cette course aux fantômes, les réseaux sociaux sont nos meilleurs ennemis. Tout est pensé pour te rappeler le dernier Casper qui a fait son apparition dans ta vie. Lorsque tu veux envoyer un nouveau message, une bulle s'affiche avec son visage. Dans mes stories, je cherche frénétiquement sa photo pour découvrir s'il a bien vu ce verre que je bois avec des ami.e.s ou ce selfie sur lequel j'essaie d'être la plus mignonne possible – comme pour lui rappeler, à côté de quoi il passe (spoiler alert : il n'en a rien à faire). Mes anciens prétendants sont les premières stories à apparaître quand j'ouvre l'application. Il ne faudrait pas les oublier… comme eux ont pu oublier de me répondre

Avec les réseaux sociaux – et notamment Instagram – tu n'as pas le droit de refermer tes blessures. Tout est là pour que tu sois sans cesse confrontée aux fantômes des aventures passées. À chaque nouvelle story, nouvelle photo, tu hésites : aimer, ne pas aimer, répondre à la story, ne pas le faire, envoyer un message, ne pas envoyer un message. Mais à quoi bon ? 

Si mon ancien passage chez la psy m’a bien appris quelque chose, c’est qu’on ne pourra jamais, ô grand jamais, savoir pourquoi quelqu’un agit d’une certaine façon sans lui poser directement la question. De mon côté, j'ai tenté de le faire et je n'ai obtenu aucune réponse. Alors, je crois que l'amour-propre, l'amour de soi, c'est aussi ça : accepter de ne pas savoir

Je ne peux pas contrôler les sentiments des autres, leur affection ou non affection pour moi. Je ne peux malheureusement pas contrôler les hommes que je vais rencontrer, qui vont faire partie de ma vie, le temps d’une nuit, de quelques jours, ou de plusieurs mois. Je ne serais jamais en mesure de savoir à l’avance s’ils vont me ghoster ou non, s’ils vont assumer leurs émotions, être honnête et (enfin) maîtriser la communication. Quand je rencontre quelqu’un, j’ai beau lui dire “attention, colis fragile, ne pas ghoster”, je ne serais pas dans sa tête, ni à ses côtés, le jour où il décidera, ou non, que je ne mérite plus son temps. 

Je ne vais pas modeler ma personnalité, pour éviter cela. Je ne serais pas moins ou plus, pour contrebalancer toutes ces fois où j'ai cru que le problème, c'était moi. 

Pour écrire cette newsletter, je me suis replongée dans mes messages. Ceux envoyés à mes ami.e.s, avec le terme “ghosté” et “ghosting”. On oublie vite, en réalité. Je parcours les conversations, et je lis leurs mots. Cette femme qui a ghosté mon amie alors qu'elle devait se retrouver dans un bar, elle est réapparue 24h plus tard pour lui annoncer qu'elle ne voulait pas la rencontrer. Cet homme avec lequel je devais boire un verre à 20h et qui ne m'a jamais indiqué ni le lieu de notre rendez-vous, ni qu'il n'était finalement pas disponible. Ces gars nazes qui ont brisé le cœur de mes amies, leur faisant croire qu'elles étaient l'unique, les plus belles, les reines de leurs journées, pour finalement, décider qu'ils avaient trouvé mieux et qu'elles ne méritaient même pas d'explication, des phrases ou que sais-je, un gif pour apaiser leurs plaies… Je relis mes messages et je réalise à quel point ce schéma ne cesse de se reproduire. Et ça m'énerve, une nouvelle fois. 

Je pense à nos cœurs meurtris quand on se remet une énième fois en question, imaginant ne pas être suffisamment appréciable pour mériter l'honnêteté et le respect – et même l'amour et l'affection. Certaines fois, j'ai envie d'arrêter, d'arrêter de mettre mon énergie dans des rencontres qui ne mènent à rien d'autre qu'à des déceptions, à des “vu” sur mon écran et à du temps passer à parler encore et encore de la même personne, qui ne répond pas “mais il a regardé mes stories ça doit bien vouloir dire quelque chose !”. Heureusement, quelque part au milieu de tout ça, il y en a certains, qui te font oublier les fantômes qui hantent tes nuits.

Il y aura du ghosting. Il y en aura toujours. Il y aura des hommes qui te promettront monts et merveilles, qui te répéteront à quel point tu es géniale, à quel point tout cela est incroyable, qui diront vouloir te revoir, et qui finalement, ne le feront pas. Qui diront te tenir au courant, pour en réalité, t'oublier.

Ça ne veut pas dire que tu ne mérites pas le temps de quelqu’un. Que tu ne mérites pas l’amour, l’affection, la gentillesse, les caresses, le café au lit au réveil, des éclats de rire et plus encore. Ça veut simplement dire, que cette personne-là, qui n’a pas la décence de t’écrire, elle ne mérite pas tout cela, de ta part

J’aimerais dire qu’après un certain nombre de fantômes dans sa vie, on n’a plus peur du noir. On n’a plus peur d’ouvrir sa porte au diable, avec l’espoir qu’il s’agisse en réalité d’un ange. J’aimerais dire qu’il suffit de rallumer la lumière, pour chasser les fantômes, et qu’il n’y aura pas des soirs d’octobre et de tous les autres mois, où les questions oppressantes, les “trop”, les “pas assez”, ne se manifesteront pas. Bien sûr que non, il y aura toujours des jours, où les fantasmes de ces histoires avortées, sans que l’on sache réellement pourquoi, joueront un film dans ta tête avant de t'endormir. En cherchant des excuses à ces fantômes, en se disant qu’après tout, peut-être, il y avait une bonne raison derrière cela. 

Il n'y en a pas vraiment. Le temps, la disponibilité, ça dépend de chacun. On passe de longues heures sur notre téléphone à consommer des vidéos de 15 secondes, si on souhaitait répondre à quelqu’un, on le ferait. Si cette personne a le temps de regarder tes stories, mais pas de répondre à ton message, c’est peut-être quelque part, qu’elle n’a pas envie de te revoir. Et je sais, ça blesse. L’ego en prend un coup. Mais fixer son cellulaire n’y changera rien. 

Mes fantômes virevoltent autour de moi, cependant, au lieu de les laisser puiser mon énergie, je choisis de l'utiliser pour faire quelque chose qui me fait du bien - écrire. 

N'oublie pas, tu n’es ni “trop”, ni “pas assez”, tu es. Tu mérites le respect, une réponse, une clôture. Le ghosting ne te définit pas, il n'a rien à voir avec toi, mais tout avec la personne qui n'a pas la maturité de t'écrire. Ouvre la porte, laisse les fantômes partir. Les déguisements qui font peur sont drôles le soir du 31 octobre, le reste de l’année, tu mérites d’être entourée de sérénité – et de soleil. 

Bisous,
Lauréna


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