Être une Strong Independant Woman et accepter les mains tendues

ou l'histoire de celle qui peut tout faire toute seule.

Lauréna in Loveland
8 min ⋅ 05/12/2022

Alors voilà, la semaine dernière, j’ai réalisé que quelques fois, j’étais un peu chiante. Ok, d’accord, en réalité, je le savais déjà. Et je ne sais pas si chiante est le terme adéquat, peut-être un peu relou. En fait, très souvent, je repousse les mains tendues. Par ego, par culpabilité, par peur de déranger. Parce que des fois, je suis un peu con-con. 

J’aime bien cette image de la Strong Independant Woman. Tu sais, j’ai façonné ce portrait dans ma tête : la fille a quitté son ex après de longues années de relation (j’en parlais juste ici), elle apprend à vivre seule, elle est capable de trouver son bonheur par soi-même, a confiance en elle et n’a besoin de rien ni personne. La preuve, elle installe ses étagères toute seule. Tout comme les cadres, et tant pis s’ils ne sont pas droits. L’armoire ? Oui, cette planche est à l’envers, mais et alors. Tu sais pourquoi ? Parce que l’armoire IKEA de 2 mètres sur 1 mètre 50, c’est elle qui l’a monté pièce par pièce et qui l’a déplacé sur la moquette. Eh ouais, ici, on n’a besoin de personne, ni d’un homme, ni de rien. 

Ouais, des fois, je pousse peut-être un peu trop loin ce scénario, qui en plus, n’est pas franchement honnête. Bien sûr, j’aime vivre seule, je suis heureuse et épanouie, et je n’ai aucun problème pour me débrouiller par moi-même. Oui, je ne suis pas à la recherche pressante du grand amour et j’ai arrêté d’en faire une quête de vie. Par contre, la Strong Independant Woman, c’est quand même la première à répéter ici et là qu’elle veut un mari hein. Et même si c’est souvent du millième degré, personne n’est dupe, elle ne dira jamais non à une vie d’amour et d’eau fraîche (enfin, si c’est du champagne, c’est bien aussi). 

Mon petit délire avec la Strong Independant Woman ne s’arrête pas aux meubles IKEA. Il y a quelque temps, mon entreprise organisait une soirée et deux copines-collègues s’amusaient à réfléchir à quel homme, parmi nos collègues, seraient leur cavalier pour le bal (oui, on a renommé ça le bal, écoute, on a tous une ado de 17 ans qui sommeille en nous). Et moi, avec mes gros sabots et ma trompette de féministe, je n’ai pas trouvé mieux que de répliquer “mais t’y vas en Strong Indepent Woman tu n’as pas besoin de cavalier. Oui, Lauréna, on sait.

Certaine fois, ce petit portrait sert à la blague. Et d’autres fois, comme cette semaine, ça pourrait devenir un de mes petits défauts.

Je prenais le métro avec un ami et plus si affinités (toi même tu sais, hein), on était sur le quai du métro, et j’avais chaud. Non, rien à voir avec sa présence, je te vois venir, simplement entre l’automne et le réchauffement climatique, je ne comprends rien aux températures et je pars trop habillée. De ce fait, je décide d’enlever mon trench et cet ami, attentionné, propose de m’aider, en tenant mes affaires. Et moi, Strong Independant Woman qui n’a besoin de personne, je réponds non. Et j’enlève mon sac à main, que je cale entre mes jambes, mon tote bag que je tiens d’une main, de l’autre, je retire mon trench. Puis je remets mes deux sacs sur mes épaules, l’air de rien. Un vrai numéro. Mais enfin Lauréna t’essaies de prouver quoi à qui là ? Bravo, tu sais enlever ta veste toute seule malgré tes deux sacs, t’as fait traîner le pan de ton trench sur le sol bien sale du métro, tout ça pour quoi ? Pour prouver que tu pouvais te débrouiller toute seule ? Mais qui ici en doutait ?

Au moment où j’ai prononcé les mots “non t’inquiète, je gère”, je me suis fait la remarque que j’étais débile. Dans ma tête, la petite voix m’a grondé de la sorte “Franchement meuf, tu lui roulais des pelles dans ton lit, il n’y a pas moins de deux heures et là, tu n’acceptes même pas sa main tendue, mais enfin t’es relou ma parole”

Cet épisode m’a rappelé cette fois, où à 8 ou 9 ans, sur le chemin pour rentrer de l’école, mon père avait proposé de porter mon cartable. Celui-ci était bien trop lourd pour l’enfant que j’étais et pourtant, j’ai refusé. Il a insisté, et j’ai fait un petit caca nerveux en disant que je n’avais pas besoin de son aide, car j’étais grande. Il a insisté de nouveau et dans mes souvenirs, il a fini par prendre mon cartable et moi, j’ai boudé, parce que “non mais je peux me débrouiller seule d’abord”. Presque 20 ans après, ça n’a pas vraiment changé. 

Quand je passais mon 6 à 7 du mardi, une semaine sur deux, chez ma psy, on a souvent abordé le sujet. Pas du fait que je préfère porter un sac lourd plutôt que d’accepter une main tendue, mais de la place que je prends, en tant qu’humain, dans les cercles qui m’entourent. Et la conclusion, sans grande surprise, c’est que je me suis très fréquemment mise en retrait, par peur de déranger. Imagine une grande salle de spectacle, et bien moi, je serais dans un petit coin au fond. Au milieu d’une soirée, je serais plus généralement à l’extrémité du groupe plutôt qu’au centre de la piste de danse. Et dans mes relations, qu'elles soient familiales, amicales ou amoureuses, c’est pareil. J’ai toujours voulu prendre le moins de place possible, ne pas déranger, ne pas prendre celle des autres, ne pas être de trop. Au point où, adolescente, étant la plus grande de taille, je me suis toujours penchée pour être au niveau de mes autres copines, inconsciemment. Bonjour la scoliose à 16 ans ! 

Et puis, la thérapie. À force de discuter de tout ça, de la place qu’on prend, du besoin ou non d’appartenance, de la culpabilité, ça finit par débloquer quelque chose. Petit à petit, je me suis avancée dans la salle de spectacle, j’ai pris un siège du premier rang. J’ai commencé à rejoindre le cercle, pour danser plus près du milieu de la piste. Jusqu’à ne plus faire attention aux regards des autres et juste, opter pour l’espace qui me fait vraiment envie, à moi. 

Pourtant, les mains tendues, ce n’est pas toujours évident. Ce week-end, mon père est chez moi et il a proposé de m’aider à déplier le canapé, pour faire mon lit. J’ai refusé. Je n’avais aucune raison valable, ma table basse pèse presque mon poids (ok, j'exagère) et c’est beaucoup plus rapide de le faire à deux, néanmoins, j’ai décliné. Et têtue comme une mule que je suis, j’ai déplacé ma table basse et déplié mon canapé toute seule. Comme une grande, comme une Strong Independant gniagniagnia. Pareillement, dans la semaine, pour des raisons x et y, ma mère m’explique que ma grand-mère me donnera de l’argent. Trop cool, tu vas me dire, après avoir claqué mon PEL à Bali, ça ne me fera pas de mal. Eh non, une nouvelle fois, j’ai repoussé cette petite main en disant “ah non mais c’est gentil, mais non quand même, je n’en ai pas besoin gniagniagnia”. Ce à quoi ma mère m’a répondu “tu répètes la même chose depuis que t’es enfant, ça fait plaisir à ta grand-mère, tu te tais et tu prends ce qu’on te donne” (je caricature, ma mère ne m’a pas vraiment dit de me taire). 

C’est trop cool de savoir installer une étagère toute seule, de pouvoir faire 13 heures d’avion et partir découvrir une nouvelle destination, sans crainte et sans personne. C’est génial de prendre des grosses décisions pour soi, et de choisir la direction que je veux donner à ma vie, sans dépendre de qui que ce soit. Et c’est encore mieux, d’être indépendante, que ce soit financièrement, ou dans mes relations. Ne pas souffrir de dépendance affective, ne pas avoir besoin de la présence de quelqu’un pour avancer. Par contre, qu’est-ce que c’est chiant, de repousser ceux qui veulent participer à tout ça, à cette vie. Ceux qui veulent porter un sac pour m’aider à enlever mon trench, ceux qui veulent simplement me donner un coup de main, me faire plaisir, être présent, physiquement, dans les gestes, dans les mots, juste là. 

La conclusion à tout ça ? C’est fantastique d’avoir besoin de personne ! Mais il ne faut pas s’enfermer (m’enfermer) là-dedans. Et une nouvelle fois, cesser d’écouter cette culpabilité qui livre une mauvaise interprétation. Je l’écris pour moi, mais il est possible que toi aussi, ça te fasse du bien de le lire : quand quelqu’un te propose quelque chose, que ce soit un coup de main, de se voir, d’être présent à tes côtés, c’est généralement (la plupart du temps), parce qu’il en a envie. Non, ça ne le dérangera pas de passer 5 minutes à t’aider à faire ton lit. Oui, ça lui fait plaisir de porter tes affaires le temps que tu attaches tes cheveux. Non, tu ne seras jamais plus fort.e, car tu as porté un sac lourd qui t’a fait mal au dos, alors qu’on aurait pu te le prendre. Et surtout : ça ne changera rien au fait que tu sais te gérer tout.e seul.e. 

Et peut-être qu’être une Strong Indépendant Woman, c’est aussi accepter les mains tendues. Les saisir fermement, les chérir, pour pouvoir, par la suite, tendre ses mains à soi. 

Bisous,
Lauréna

P.s : si la question de ta place dans tes relations comme dans le monde, t’intéresse, je te recommande le livre “Être à sa place” de Claire Marin. Personnellement, je l’ai adoré !

Billet publié initialement le 16 octobre 2022.


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Lauréna in Loveland

Lauréna in Loveland

Par Lauréna Valette

Journaliste, autrice de “Il était une fois l’amour” à paraître le 15 novembre 2024 aux Éditions Mango, professeure de yoga sur mon temps libre, voyageuse… Je ne tiens pas en place et j’ai constamment une nouvelle idée en tête. Ici, je publie mes écrits sur l’amour et la vie.

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