Vava et ses histoires

Des histoires sur l'amour et la vie, que je pourrais te raconter autour d'une bière.

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Par Lauréna Valette
21 mai · 3 mn à lire
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Se choisir soi

ou des mots écrits pour moi-même, dans le métro, trois ans après.

T’es là, tu commandes un Uber un dimanche du mois de mai à la fin du confinement, c’est la fin d’après-midi, tu t’apprêtes à quitter la personne avec qui tu vis depuis plusieurs années. Tu chouines un peu, normal, t’es triste. Tu clignes des yeux et pouf, t’es assise dans un métro. Il n’est pas à Paris ce métro, non, il est plus loin que ça. Sur un autre continent, dans un autre pays.

Trois ans, ça paraît long non ? Toi, quand t’y penses, tu te dis que c’était quand même rapide. Elles sont passées vite ces trois dernières années. Tu souris toujours quand on te dit à quel point tu as changé. Parce que bon dieu, ce que tu as pu changer en trois ans

Tu en as eu des idées étranges dans ta vie. Par exemple la frange en cinquième. Ce n’était pas malin, t’as les cheveux trop fins pour porter une frange. Et puis ça demande de l’entretien, et toi, t’as jamais vraiment pris le temps d’apprendre à te coiffer. Quand tu découpais tes vêtements au lycée, c’était aussi un peu spécial. Tu voulais devenir styliste, mais au lieu d’apprendre à coudre, tu laissais divaguer ton imagination. Je crois que coucher avec le pseudo Premier ministre c’était pas non plus très brillant de ta part. Même si ça te fait une drôle d’anecdote à raconter (une de plus). La fois où t’as commandé du lapin dans un restaurant étoilé alors que a) tu ne manges pas vraiment de viande et b) tu n’aimes pas le lapin, c’était clairement un mauvais raisonnement (toujours inexplicable à ce jour). Par contre, ce qui est certain, là où personne, jamais, n’a remis en question ta décision, c’est que le choix que tu as fait ce dimanche-là, quand tu es montée dans ce taxi, pour enfin t’écouter, il était brillant

C’est étonnant d’y penser encore, tous les ans en mai. De te revoir faire le trajet. De sentir toujours les frissons qui s’emparaient de ton corps à l’arrière de ce véhicule, le regard du chauffeur inquiet de te voir pleurer toutes les larmes de ton corps dans ton masque chirurgical. Le sentiment de vide qui t’emparait au fur et à mesure que la voiture avancée. Les semaines qui ont suivi, te voir traverser un ouragan de doutes, de tristesses, de peurs et finalement, en sortir vainqueur. Gagnante de la bataille, bataille que tu livrais finalement avec toi-même. Parce que oui, ma grande, tu l’as gagné cette bataille. Tu as sorti la tête de l’eau, triomphante et tu as suivi ce chemin qui s’ouvrait à toi. Teinté de nouveautés, de possibilités, d’opportunités. Un chemin qui, certes, continue de te donner des cheveux blancs, mais t’invite aussi à te coucher chaque soir avec cette même pensée "au moins, je pourrais dire que j’ai vécu"

C’est facile de choisir pour les autres. De recommander un restaurant, de donner des conseils sur les relations, de parler de ses préférences, de ses envies, de ses volontés. Là où ça se complique, c’est lorsqu’il faut choisir pour soi. Tu t’assois confortablement à table, le menu dans les mains, composé de ces options de vie : rester, partir, accepter, fuir, pleurer, rire, continuer, mettre un terme. Il ne reste plus qu’à toi de décider ce que tu veux en faire. Comment savoir quelle est la bonne solution ? Quel plat préférer ? Prendre une entrée ou un dessert ? Ou renverser la table, sortir du restaurant, courir dans la ville pour partir, loin, très loin. 

J’aime bien cette image de la table renversée. Je crois qu’en mai de cette année-là, c’est ce que tu as fait. Tu ne voulais plus laisser tes choix dans les mains de quelqu’un, hocher la tête et garder le masque de la bonne personne bien sympa qui ne prend finalement pas de décision. Jour après jour, tu ne t’en souviens pas, mais, jour après jour, durant ce printemps terrible, tu as récupéré dans chaque petite partie de corps, la force et le courage, qui restaient planqués, bien profond. Jusqu’à en avoir amassé suffisamment pour y croire. En toi. Pour te choisir. Toi. 

De toutes ces choses que tu noteras sur ton téléphone après les séances chez la psy, ces mots resteront les plus importants : ne pas avoir honte, mais plutôt ressentir de la fierté. “Bravo de vous être choisi, bravo d’être parti.”.

Peut-être que finalement, c’est pour ça que chaque année, en mai, tu y penses. Que ton cerveau t’envoie un petit mot pour te rappeler que ce n’est pas un jour insignifiant, une date comme une autre. Ce n’est pas un anniversaire, ce n’est pas une naissance, mais c’est une clôture et avec elle un renouveau. C’est simplement le jour où tu as décidé que tu méritais mieux. Pas de la part de quelqu’un d’autre, mais de ta part à toi. Et le plus beau dans l’histoire, ma grande, c’est qu’à partir de ce moment-là, tu as conservé sous le coude la force et le courage, pour continuer de te choisir toi

Alors ce n’est évidemment pas un anniversaire. Aucune bougie ne sera soufflée, aucun cadeau ne sera déballé, mais j’crois que tu mérites bien un gâteau aujourd’hui, demain, et jusqu’à ce que ce souvenir, de la morve dans le taxi s’éloigne suffisamment et disparaisse finalement dans le fin fond de ta mémoire. En attendant, comme dirait Cécé, je te le redis : bravo de t’être choisi. Et merci aussi. Parce que la vie ne serait certainement pas aussi incroyable, si tu étais restée. Tu mérites tout l’amour du monde, et pour commencer, celui que tu te portes aujourd’hui à toi-même.

Bisous,
Lauréna


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