Merci aux 10 dernières années

ou l'hommage à mes 17 ans.

Lauréna in Loveland
8 min ⋅ 05/12/2022

Cette semaine, j’ai fêté mes 27 ans et deux pensées ont traversé mon esprit. Tout d’abord, le clic-clac de l’horloge qui tourne et qui m’indique que les 30 ans ne sont plus si loin. Moi aussi, je vais y passer, je vais quitter le clan des semi-adultes. Je ne serais plus une grande ado, une petite adulte perdue dans un monde de grand, mais j’en ferai bel et bien partie. Ensuite - et ça me ressemble bien - j’ai pensé à avant, à mes 17 ans, il y a maintenant 10 ans. 

Si tu lis ces petits billets d’humeur que je publie chaque semaine, tu auras certainement remarqué, que moi, regarder dans le rétro, c’est un peu mon dada. J’ai une tendance à la mélancolie et à la nostalgie, j’aime bien me replonger dans mes vieux albums photos, relire les mots que j’ai pu écrire et admirer depuis un banc, ces changements de vie, tout ce qu’il se passe au fil des années. Mes 17 ans, c’était quelque chose et ça m’a marqué. 

À 17 ans, je n’étais pas franchement heureuse. Mais je pense, comme tous les lycéens, c’était comme ça. En première, j’avais eu la douce idée de tomber amoureuse d’un garçon qui ne m’aimait pas, alors une grande partie de ma terminale - et donc de mes 17 ans - a consisté à essayer de ne plus l’aimer. J’adorais répéter le poème d’Arthur Rimbaud “On n’est pas sérieux quand on a 17 ans” et, même si des larmes venaient souvent s’engouffrer dans mes yeux durant les trajets en bus, j’aimais me répéter que c’était merveilleux d’avoir 17 ans. Ça l’était. Ça l’était, car rien n’est tout noir ou tout blanc. Je voyais mes meilleures amies tous les jours, je n’avais aucune responsabilité. Quand on faisait la fête, on lâchait systématiquement la rampe, comme si rien ne pouvait nous arrêter. Mais il y a 10 ans, jour pour jour, c’était aussi très gris. Dans ma tête, dans mon cœur. 

Durant la fête de mes 17 ans, j’ai cru que j’allais enfin embrasser le garçon dont j’étais amoureuse depuis plusieurs mois. Il ne m’aimait pas, mais il avait une façon d’agir qui me donnait l’impression, qui me faisait espérer, que peut-être, si. Il était tourmenté. C’était l’époque Gossip Girl et j’étais persuadée, que je pouvais le changer comme Blair avait changé Chuck. J’étais persuadée que je pouvais vivre un amour digne des séries : tortueux, mais qui fait des étincelles. Je voulais qu’on m’aime. Ce soir-là, j’étais assise sur lui et j’ai sincèrement cru que c’était le moment, après tous ces mois à se tourner autour durant les soirées, il allait enfin se passer ce que j’attendais tant. Un bisou, juste ça, rien de plus, je voulais juste que ses lèvres s’approchent des miennes. Mais on en a déjà parlé ici, ma vie n’est pas une comédie romantique, et j’ai bien compris, qu’elle ne le deviendrait pas. Alors au lieu de m’embrasser le soir de mes 17 ans - comme on pourrait le voir dans un teen movie Netflix - il m’a simplement dit des choses horribles. 

La mémoire a cette incroyable capacité de tri. La mienne a choisi, 10 ans plus tard, d’oublier chaque mot qu’il a prononcé, mais les sensations n’ont jamais disparu. Je rejoue le film de cette soirée, avec mon regard de presque adulte. Je vois cette ado complètement perdue, pleurer dans son lit. Elle est profondément triste et les quelques verres qu’elle a bus rendent ses émotions explosives. Avec ses mots, il l’a vraiment blessé. Plusieurs jours passeront avant qu’il ne trouve comme seule justification l’alcool, “ah oui, j’étais bourrée” lui dira-t-il, sans même s’excuser. À 17 ans, donc, mon cœur était cabossé et je me demandais si un jour, il arriverait à battre normalement. 

Les dix dernières années ont été l’ascension d’une montagne vers le mieux-être et l’amour de soi. J’ai quitté la maison familiale à 17 ans et demi, et finalement, chaque nouvelle année, chaque nouvel anniversaire, m’a prouvé que grandir, ça peut être beau. 

Pourtant, j’ai un peu peur de vieillir. Oui, madame peut partir à Bali toute seule et changer de pays, mais voir les années défiler, ça la tourmente. J’ai peur du temps qui passe, qu’il passe à côté de moi, peur de rater les moments importants, de voir les autres avancer et de rester loin derrière. Toutefois, si vieillir m’effraie, regarder dans le rétro et voir défiler les dix dernières années, me rassure. Ces dix dernières années étaient un sacré exercice et peut-être que finalement, je suis devenue adulte. 

D’autres films se jouent dans ma tête, et j’aperçois la Lauréna de 17 ans arriver à la fac. Elle tombe sous le charme du bad boy à la moins bonne réputation de l’université “Mais il était président d’asso c’est la classe”, pense-t-elle alors. J’ai relu ses carnets de l’époque, elle ne connaissait vraiment rien à rien et surtout, elle ne voyait aucun red flags. C’est normal qu’elle se soit autant brûlé les ailes. Je la revois les années qui suivent, essayer tant bien que mal de maintenir la barque du couple sur l’eau, apprendre à être responsable. Et puis finir par éclater le plancher de la barque, parce qu’à quoi bon tenter de maintenir quelque chose qui rend malheureuse ? Prendre en responsabilité professionnelle, s’émanciper de tous et finalement, apprendre à vivre pour soi. Par soi. Sans l’aide de personne, sans la présence d’un homme. 

Durant les quelques mois où j’avais rendez-vous avec ma psy, j’avais rendu visite à la Lauréna de 10 ans ou quelque chose comme ça. C’était un exercice étonnant, mais j’ai découvert que c’était quelque chose d’assez commun en thérapie. Alors ces derniers temps, je suis allée voir celle de 17 ans. J’ai séché ses larmes, celles de l’anniversaire, mais aussi les suivantes et je l’ai prise par la main. On s’est promené sur le chemin des dix dernières années : on a souri face à l’obtention du permis, on s’est enlacé quand elle a fermé la portière de la voiture qui l’amenait à Paris, on l’a félicité ici et là, comme ça, jusqu’au 30 novembre 2022. J’ai répété à la version 17 ans de moi, que tout allait bien se passer, malgré les crises d’angoisse, malgré la boule au ventre, malgré les “est-ce qu’un jour on m’aimera ?”, malgré les peurs. 

Mercredi, j’ai fêté mes 27 ans. Mes copines m’ont préparé un tiramisu d’anniversaire. J’ai longtemps cru qu’après les études supérieures, c’était impossible de se faire de nouvelles relations amicales fortes. Finalement, de ma précédente expérience professionnelle, il restera beaucoup de choses, mais surtout les femmes incroyables qui sont devenues mes amies. J’ai reçu des mots de mes meilleures amies, les mêmes qui étaient déjà là pour mes 17 ans et avec qui on ne cesse de célébrer les beaux moments de la vie, depuis maintenant 10 ans. J’ai passé l’après-midi seule, enfin, avec moi-même, j’ai marché dans les rues de Paris, je me suis offert des cadeaux et j’ai beaucoup pensé à tous ces moments passés et à tous ceux à venir. Le soir, j’étais accompagnée d’une personne plutôt chouette. À 27 ans, les mots qui font mal au cœur ont été remplacés par des attentions douces, des sourires affectueux, des baisers et des moments qui viennent réchauffer l’âme. 

Ces dix dernières années, c’était quelque chose. À présent, j’ai quelques cheveux blancs. En hiver, quand je reste trop longtemps dehors, mes mains deviennent très froides et je n’arrive plus à les réchauffer. J’observe souvent mon visage dans le miroir à la recherche de rides, qui m’indiqueraient que les années passent. J’ai des copines qui vont se marier en 2024 et moi, je demande à toutes les voyantes ou tireuses de cartes que je croise, si un jour, je vivrais une grande et belle histoire d’amour avec la maison et tout le reste. J’ai un neveu et deux nièces, aucune idée de si je voudrais un jour des enfants. Je n’ai qu’un seul grand-parent et j’ai peur qu’on m’oublie, c’est pour ça que c’est si compliqué pour moi de dire au revoir. Effectivement, il en reste des monts à gravir, des angoisses à calmer, des névroses à accepter. Mais aujourd’hui, je vais me contenter d’applaudir le chemin parcouru, de donner une tape dans le dos de celle que j’ai été, au fil des ans, et je vais faire confiance au futur. Je vais faire confiance à la prochaine version de moi, à celle de 27 ans, à celle qui part vivre au Canada, je vais lui faire confiance pour maintenir à flot ce radeau de paillettes et de rose, qu’on a construit au fil du temps. Je suis certaine que les dix prochaines années, auront beaucoup à apporter et sans aller si loin, que les douze prochains mois donneront envie de vivre toujours plus intensément, quitte à avoir de nouveaux cheveux blancs. 

Bisous,
Lauréna


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Lauréna in Loveland

Lauréna in Loveland

Par Lauréna Valette

Journaliste, autrice de “Il était une fois l’amour” à paraître le 15 novembre 2024 aux Éditions Mango, professeure de yoga sur mon temps libre, voyageuse… Je ne tiens pas en place et j’ai constamment une nouvelle idée en tête. Ici, je publie mes écrits sur l’amour et la vie.

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